vendredi 31 mai 2013

A LA DECOUVERTE DE THIOMBY DANS LE DELTA DU SALOUM


LA MEUNERIE : UNE INDUSTRIE VITALE ET FLORISSANTE


« Le travail t’oblige d’épouser le monde », disait Saint-Exupéry. Les meuniers des confins du Saloum ne diront pas le contraire. Grâce à une agriculture abondante et à l’électrification rurale, ils ont su révolutionner la transformation des céréales locales. 
  
Dans la cour d’une école, une voix frêle déchire la quiétude nocturne de Thiombi distillée par de gros haut-parleurs. C’est celle de Rama. Avec sa taille fine assombrie par un teint noir, cette élève au collège de la localité est bien dans son rôle. « Attention aux garçons, nous devons nous concentrer sur nos études pour réussir et aider nos parents », conseille-t-elle, en gesticulant à l’endroit d’une camarade de classe dans un sketch. L’association des jeunes de la communauté rurale anime des activités de sensibilisation sur la santé de la reproduction et le VIH/SIDA dans le cadre de la semaine de la jeunesse.
Situé à prés de trois kilomètres au sud-ouest de Gandiaye dans le delta du Saloum, Thiombi est un bourg rural. Habité majoritairement par des Serers agriculteurs, cette contrée accueille de plus en plus d’étrangers qui développent d’autres activités économiques comme la menuiserie métallique et surtout la meunerie.
Le lendemain, Ablaye Ndour, la vingtaine dépassée sourit en parlant de sa contrée. Il prépare du thé sous un acacia albida prés de la mosquée à l’esplanade des arènes en compagnie de quelques jeunes en mal d’occupation. Selon lui son village est certes fondé par les serers mais il s’ouvre à d’autres communautés. « Thiombi Bambara est un secteur occupé par nos parents Bambara et Toucouleurs. Aujourd’hui la diversité est une réalité chez nous. Allez voir tous les meuniers de la zone sont des Peuls venus pour la plupart de la Guinée Conakry », se glorifie-t-il. Ici, il fait très chaud. La température atteint les 39°. Un vent sec balaie un sol découvert. Tout, porte à croire à un désert. Les habitations sont faites en banco. Les cases en paille sont plus nombreuses que les constructions en dur. La période de soudure est un moment particulier dans la vie des habitants de cette campagne. En attendant l’hivernage, les populations font de l’élevage, de l’artisanat et de la pêche artisanale.
Au poste de santé, Assane fils du chef de village et ami de l’infirmier est assis devant un téléviseur. Il suit un débat politique avec intérêt. Il est vêtu d’un t-shirt blanc assorti d’un super san noir. « Nous sommes de grands cultivateurs. C’est ce que nous connaissons le mieux dans ce village. On cultive principalement toutes les variétés de mil et d’arachide. Notre alimentation est essentiellement faite à base de couscous. Tous les jours on en prend le matin et le soir », indique-t-il. Sur les activités économiques du village, Assane estime que les gens arrivent à joindre les deux bouts malgré la conjoncture. Il se veut optimiste pour l’avenir. Il dit que pendants l’hivernage tout le monde va aux champs. Actuellement certains jeunes s’investissent dans le transport avec les motos « jakarta» et les charrettes. « Les activités phares restent le petit commerce et la meunerie. Les moulins sont installés par des étrangers qui amènent leurs travailleurs », conclut-il.
Vers la maison communautaire, un bruit assourdissant attire l’attention du voisinage. C’est le moulin d’Alpha. Des femmes sont assises sur un banc installé devant son unité industrielle. Devant elles il y a des récipients de mil et d’autres céréales.  Maty est une jeune femme de teint noir. Foulard sur la tête, un enfant sur le dos, elle fait une injonction au meunier. « Fais vite ! Je dois préparer de la bouillie pour mon enfant », ordonne-t-elle. Pour Yandé qui est plus agée que Maty, le moulin est un soulagement. « Depuis une décennie nous ne pilons plus le mil. On obtient de la farine sans difficulté majeure. Le moulin a supplanté le mortier ». Alpha, l’aire taciturne est de taille moyenne et de teint clair. Il a les deux mains posées sur un engin et transpire. Il reste imperturbable malgré la pression de ses clients. Après un moment de répit, il parle de son travail avec fierté. « Je suis venus à Thiombi depuis Avril 2005. A l’époque, il n y avait qu’un seul meunier. Aujourd’hui nous sommes trois dans le périmètre villageois ». Venu de loin il estime qu’il gagne sa vie grâce à la meunerie. Alpha décline les contours de son métier en ces termes. « Nous moulons 1kg de mil ou de mais pour 25f CFA. Actuellement je peux gagner entre 3000 et 5000f CFA par jour ». Selon lui, son gain est très variable car il est étroitement lié aux besoins des clients en farine pour leur couscous. Mais aussi par rapport à la saison, par exemple au mois d’octobre c’est le maïs qui est plus consommé que le mil. Les cérémonies et certaines festivités sont également des facteurs d’affluence intenses de son activité.
Pour conclure, il évoque l’évolution du secteur tout en se félicitant de sa cohabitation avec ses hôtes. « Aujourd’hui l’électrification rurale a fait reculer mon chiffre d’affaire car mes clients qui venaient des villages environnants reçoivent le même service sur place. En 2010 je payais environ 300.000f CFA de facture d’électricité. Le mois passé j’ai payé moins de 100.000f. Cela montre que l’activité a reculé », se désole-t-il. Néanmoins, il ajoute qu’il ne paye pas de taxe mais seulement une location mensuelle de 5.000f CFA. Les « saltigués » du village ont prédit un bon hivernage avec de très bonnes récoltes. Ce qui laisse présager un bon avenir pour Alpha et les ruraux. 

jeudi 2 mai 2013

CAMPUS SOCIAL DE L'UCAD: QUAND LE LOGEMENT DEVIENT UN PRIVILÈGE


Les étudiants inscrits à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD) rencontrent de nombreuses difficultés pour trouver un logement dans le campus social. Ceux qui y arrivent ne sont pas mieux lotis. 
Les revendications ne manquent pas de la part des locataires. Certains pavillons ressemblent à des camps de réfugies.  

Sur la véranda du couloir B du pavillon A, un groupe d’étudiants se détend. Les uns sont couchés sur des matelas et les autres assis sur une estrade. Ils discutent puis se marrent, par moment. Les lieux bouillonnent de monde à l’heure du déjeuner. Construit sur plusieurs mètres carrés, ce bâtiment a la plus grande capacité d’accueil du campus social de l’UCAD. Il abrite à lui seul plus de 400 chambres, réparties dans 26 couloirs. « Fox river » comme le surnomment ses occupants en référence à une célèbre prison d’une série américaine, regorge  plusieurs salles annexes dont deux restaurants, une salle cinéma, un dancing, plusieurs salles de sport, y compris le terrain de basket bal du Dakar université club (DUC). Au milieu de l’édifice se trouve un jardin qui a perdu son gazon et ses palmiers à peine, entretenus.
« Ou se trouve la chambre 364 ? Je suis perdue », demande une fille aux jeunes du couloir B. « Montes au second étage. Cherches le couloir R », lui rétorque l’un d’entre eux. Partout dans cette demeure c’est le même constat. Les allées sont squattées. Les gens s’agglutinent à tous les coins comme des sans abris.
Après le couché du soleil, les squatteurs sortent draps et moustiquaires. Ils installent leurs dortoirs avant d’aller dîner ou d’aller apprendre leurs cours. C’est primordial, au risque de perdre sa place. Cherif est étudiant au département de Portugais. Il vient de très loin et n’a pas de tuteurs à Dakar. Avec son teint clair à peine remarquable dans la pénombre, il parle de son calvaire. « Je suis en première année et je viens de Tamba. Je n’ai pas de chambre encore moins de parents à Dakar. Je suis obligé de m’adapter. C’est un ami qui me garde mes bagages dans sa chambre d’à côté et moi je passe la nuit ici tous les jours », confie-t-il la mine pitoyable. Selon lui il arrive qu’il ne trouve pas le sommeil parfois avec la promiscuité qui l’accable. « Ici, les conditions sont très pénibles. Les gens vous dérangent en plein sommeil. Quand il y concert derrière, il faut attendre deux heures ou trois heures du matin pour pouvoir dormir », se plaint-il.
Dans la chambre 232, au premier étage, Arfang prépare du thé. Peinte en bleu-blanc, deux lits sur le côté droit, un pupitre à l’entrée, un placard en béton et un lavabo avec un miroir sur la gauche, et une fenêtre en grilles, c’est le décor qu’offre la piaule. Elle est très animée. Un petit baffle distille de la musique. Selon l’ami d’Arfang, Ndiouga, il vient passer son temps libre chez son compagnon après ses cours. « Dans ma chambre, il est impossible de se reposer. Mon voisin l’a transformée en marché avec ses activités d’impression et de gravure », s’offusque-t-il avec véhémence. Il estime d’ailleurs que s’il savait que ça serait ainsi toute l’année, il n’aurait jamais partagée sa chambre avec un « campus businessman ». A quelques mètres se trouvent les toilettes. Quelques individus attendent leurs tours. « Pour faire ses besoins, on fait la queue. Les gens vivent difficilement dans ce campus », s’indigne un jeune homme en mal de patience.
Au pavillon Q, généralement réservé aux filles, règne un semblant de calme. C’est moins animé que dans les artères du pavillon A. Ici c’est la densité qui fait raller les résidents. Dans la chambre 8 au rez-de-chaussée, elles sont 12 dans la même pièce. Assise sur une chaise en boit, des tresses sur la tête,  Ramatoulaye raconte son aventure. Elle est étudiante en Licence en droit. « C’est ma troisième année ici. Mais les conditions sont extraordinaires. Entre filles on rencontre d’énormes difficultés de cohabitation. On a des cas de vols dans nos chambres. L’eau potable manque parfois et cela est inadmissible pour une fille de rester sans la liquide précieuse », fait-elle remarquer. Pour sa voisine le problème majeur des filles reste l’acquisition d’une place. Elle explique que si une étudiante n’a pas la chance de codifier alors elle est exposée à toute sorte de proposition indécente. « Les gens vous courtises avant de vous loger. Le campus ressemble à un jungle car les gens sont capables de tout pour loger ou pour céder un logement », s’est-elle désolée.