Comme une citadelle,
une porte s’ouvre au monde à partir de Dakar. Elle symbolise la fenêtre de
l’Afrique sur le 21e siècle.
Cependant, les changements climatiques altèrent son environnement.
Mardi, en fin de
matinée, sur la corniche ouest de Dakar, un lieu très animé attire l’attention
du visiteur. Un monde grouille à la porte du millénaire. Riverains et visiteurs, par petits
groupes, discutent cordialement.
Une bâtisse est
aménagée au bord de la mer. Elle est l’une des attractions. Elle fait face à la
cité police. C’est un monument de 16, 50 m, et couvre une superficie de 15 000 m². A sa devanture, des palmiers bordent le
trottoir du bitume de l’avenue Marther Luter King.
Assi à même le
carrelage sur des marches, un groupe de photographes discute avec des clients
venus récupérer leurs « portraits ». Devant eux, deux vases ressemblant
à de grosses canaries, embellissent le décor. Issa Ndiaye, la quarantaine dépassée,
un appareil numérique en main, interpelle les passants : « Voulez-vous prendre une photo de souvenir ?
», demande-t-il en souriant. Il est de teint noir et a une barbe très dense. Il
est vêtu d’un jacket en cuir ; certainement pour se protéger du froid qui
sévit sur le site. Soudainement, un son retentit : « Alahou akbar, Alahou akbar » !
C’est l’appel du muezzin à la mosquée Seydou Nourou Tall. A côté du groupe des
photographes, deux jeunes s’affairent autour d’un fourneau. L’un d’entre eux, est
un vendeur de café Touba. Il tend à l’autre une tasse. « C’est très chaud. Fais refroidir un peu »,
dit le client, après avoir pris une gorgée.
Dans ce secteur, on
constate la superposition de trois portes. Elles symbolisent les trois
millénaires : « l’acquisition des
connaissances, l'évolution de la pensée et de la culture et l’ère de la communication ».
La seconde supporte une femme surnommée « yaye
boy (maman chérie en wolof) qui tient
une flûte. Un instrument de musique qui suggère le rassemblement et l’union »,
renseigne un document du ministère de la culture. Un jet d’eau sec sert de
piédestal au monument. Il est surmonté d’un mini pont qui le traverse en
largeur ; en direction de l’océan.
Derrière la structure, certains visiteurs se retranchent sous les sapins qui
l’entourent. Raul Armando Diatta, taille moyenne, teint métissé, accompagné de
sa femme, préfère venir sur les lieux après le boulot pour se détendre. Commerçant
à la médina, il estime que cet endroit est un symbole. « On prend une photo qu’on pourra montrer à
nos enfants en guise de souvenir ». En tant qu’amoureux du site, il se
désole de la dégradation des installations. Il s’est dit préoccupé du « mauvais entretien de ce bijoux ». M.
Raul, la mine triste, fait remarquer l’avancée de la mer. Il se tourne vers sa
compagne qui, pour confirmer la thèse de son époux, hausse la tête. Selon lui, beaucoup
de gens n’y prêtent pas attention, alors que si l’on n’y prend pas garde, « la mer va atteindre le monument ».
Dix mètres plus bas sur
la plage, les traces de l’érosion sont bien visibles. Le sapement grignote déjà
la falaise. Un corridor de grosses pierres, des diorites, servent de digue de
protection au littoral. Les vagues font un bruit assourdissant qui témoigne de
leur force. En plus de ce dispositif, une dalle en béton est construite en
appoint.
Omar Wade, en sueur, le
souffle entamé, s’étire. Il fait des va et vient sur un sable fin mouillé par
l’eau. Une odeur de poisson et de sel encense l’atmosphère. Avec sa grande
taille, il aborde la question de l’érosion marine avec amertume. Car, à l’en
croire, depuis son plus jeune âge, il fréquente ce secteur. Pour lui, « cette plage faisait environ 800m à 1km de
long et 30 à 50m de large. Aujourd’hui vous constatez avec moi qu’il n’y a même
pas 600m de long. La largeur ne dépasse plus 10m. La plage a vraiment reculé.
Malheureusement, nous sommes impuissants face à tout cela. Sous peu de temps,
nous n’aurons plus où faire du sport. Notre quartier (Reubeus) n’a aucun espace disponible pour ça ».
A quelques encablures,
le vieux Mansour Dia, assis sur un banc public, égraine son chapelet. En caftan
rouge bordeaux, ses cheveux blancs et ses rides, attestent son âge avancé. Il
fait face aux îles de la Madeleine. Calme, le regard fondu dans les ondulations
de la houle au large, il aborde le phénomène de détérioration de la côte avec
chagrin. Il confie que la corniche a beaucoup changé. En 1962, dit-il, « l’école des beaux arts se trouvait vers
là-bas », tout en indexant un point dans l’océan. « L’Etat et la municipalité doivent prendre ce
problème au sérieux, car c’est un danger réel pour les populations »,
conseille-t-il.

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